Je crois que c’est la première fois que j’ai acheté un livre le jour de sa sortie. J’avais déjà entendu le nom d’Antoine Jaquier, auteur de Ils sont tous morts et Avec les chiens. Si les thématiques de l’enfer de la drogue et de la psychologie d’un criminel ne m’avaient pas tentée, j’ai bondi sur celle annoncée par le titre Légère et court-vêtue : comment vivre de façon insouciante dans un monde qui va mal, à la fois au niveau global et au niveau intime.
Légère et court-vêtue est un roman à deux voix, dans lequel s’exprime un couple, Mélodie, blogueuse mode lausannoise qui tente de percer à Paris, et Tom, plus ou moins photographe, désargenté, obsédé par le jeu comme Le Joueur de Dostoïevski au point de parier au poker sa copine qu’il aime (pourtant). Si le style syncopé compte parfois trop d’effets faciles mimant le monologue intérieur, la double voix fille-garçon évoque deux mondes qui se côtoient mais ne se touchent pas. Ils parlent chacun une autre langue qui reflète l’incommunicabilité crasse de ce qui compte vraiment.
La force de ce roman réside dans l’exploration de ces différents langages et dans une description sans concession d’une réalité proche de nous (les rues de Lausanne, le Casino de Montreux, …) mais underground. La violence y est latente puis véritable.
La jeune femme, dans toute sa légèreté qui flirte avec le superficiel, s’en sort pourtant momentanément mieux que Tom : elle fait carrière, évolue, s’ouvre sur le monde. Comme dans le film M. et Mme Adelman, le personnage féminin est plus digne, Antoine Jaquier comme Nicolas Bedos n’y allant pas de main morte dans cette sorte de catharsis de lâchetés et veuleries masculines.
J’ai aimé retrouver dans Légère et court-vêtue l’idée qu’on tombe amoureux de celui ou celle qui révèle la meilleure part de soi, une scène érotique entre filles plutôt sensuelle, et différentes références littéraires, entre autre à King Kong Théorie de Virginie Despentes, texte fondateur d’une forme de libération féministe.
J’ai moins aimé la sensation de supercherie narrative qui se résout à la fin comme dans le Meurtre de Roger Ackroyd d’Agatha Christie. Le commentaire journalistique entendu à la télévision « Ils deviennent adultes au moment des attentats de Paris » est une absurdité. Les personnages sont justement rattrapés par la réalité avant toute rédemption, la prise de conscience de leurs propres manques et manquements ayant été nulle ou très tardive.
La génération Y, seulement une lost generation ? En cela, on peut reprocher à Légère et court-vêtue de surfer un peu à la légère sur l’air du temps.
Je conseille pourtant la lecture de ce roman, romand et moderne, et souhaite plein succès à son auteur qui sera en dédicace à Payot Montreux ce samedi 20 mai de 15h à 16h30.