Il est vrai que j’ai avec les noms propres un rapport qui m’est énigmatique, qui est de l’ordre de la signifiance, du désir, peut-être même de la jouissance. La psychanalyse s’est beaucoup occupée de ces problèmes et l’on sait très bien que le nom propre est, si je puis dire, une avenue royale du sujet et du désir.
Roland Barthes, Noms de personne (dans 20 mots-clefs… interview Magazine Littéraire, février 1975)
Je me suis toujours intéressée à l’onomastique. Aux noms, aux prénoms, à leur signification. J’ai toujours été fascinée par le fait que Flaubert ait appelé ses anti-héroïnes Emma (aima?) ou Félicité (la bienheureuse?), que chez Sade précisément Justine soit soumise à toutes les injustices, qu’il puisse y avoir Iseult la Blonde et Iseult aux Blanches Mains. L’étymologie des toponymes m’amuse (Montreux vient de monastère) et je me suis plongée il y a très longtemps dans les méandres insomniaques du monologue monomaniaque de « Tynset », roman de Wolfgang Hildesheimer (1965) et petite ville norvégienne que son protagoniste n’atteindra jamais, parce que ce nom contient les lettres du mien et le roman une réflexion sur la puissance évocatrice du nom en plus des thèmes de la résignation face à l’absurde, de la peur, de l’inaction. Par un incroyable hasard objectif, le seul amour du narrateur s’appelle Vanessa. La sensibilité à ce type de manifestation chère aux surréalistes est une façon d’être au monde comme une autre!
J’ai le nom d’une ville, d’une pierre, d’une pute. A cela s’ajoute Vanessa, papillon. Mon coming-out est juste mon éclosion.
Vanessa Paon, illustration vintage. Histoire naturelle des animaux, 1880